Pourquoi la PrEP est efficace lors du sexe anal, même en prise intermittente

Publié par Mathieu Brancourt le 19.09.2015
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SexualitéPrEPadaptHPTN 067

Les études se poursuivent sur les meilleures modalités de prise de PrEP (prophylaxie pré-exposition), pour une efficacité préventive optimisée contre l’infection par le VIH. La complexité actuelle des résultats devrait justement nous amener, à terme, vers des schémas de prise efficaces les plus adaptés possibles, tant aux personnes qu’à leurs possibilités pratiques. Des résultats de l’essai Adapt ont été présentés en juillet dernier à l’IAS.

A la dernière Conférence de Vancouver (IAS, en juillet), une des conclusions d’une nouvelle étude, HPTN 067 ou Adapt, sur l’adhérence à l’une des deux stratégies (intermittente ou continue) de prise de PrEP (prophylaxie pré-exposition), indiquait que les participants jugeaient plus simple à gérer de prendre une pilule de Truvada (emtricitabine et tenofovir) tous les jours, plutôt que les seuls jours autour du rapport sexuel non protégé par préservatif.

La PrEP fonctionne bien dans les deux cas : les résultats d’efficacité des deux grandes études sur la prophylaxie pré-exposition, ANRS-Ipergay (intermittente) ou Proud (en continu) étaient d’ailleurs identiques : un taux de protection de 86 %. Pourtant, l’observance dans l’essai ANRS-Ipergay n’était pas extrêmement élevée. Près de 47 % des participants indiquaient ne pas prendre tous les comprimés du schéma de prise intermittente (deux avant le rapport sexuel, deux après, ndlr). Dès lors, d’autres chercheurs se sont penchés à Vancouver sur la pharmacodynamie, c'est-à-dire le taux de concentration du médicament et son élimination, afin de comprendre pourquoi ANRS-Ipergay avait aussi bien prévenu la transmission, même en prise intermittente. Il fallait regarder le nombre de doses et à partir de combien de doses la couverture avec Truvada était suffisante pour expliquer cette efficacité.

Comme l’a expliqué le professeur Jean-Michel Molina, investigateur principal de l’essai ANRS-Ipergay, un haut taux de prévention de la contamination (96 %) était atteint dès trois prises, il atteignait presque 100 % avec cinq prises d’après les études précédentes. Cependant, si l’emtricitabine, une des molécules de Truvada, devient détectable à un niveau significatif dans les secrétions rectales deux heures après la prise, ce n’était pas le cas du tenofovir, qui ne le devient qu’après 24 heures. Ce qui fait penser que l’emtricitabine offre une protection dès la première dose. Dans l’essai ANRS-Ipergay, les participants prenaient une double dose de Truvada. Après analyses de sang, avant prise, puis après 30 minutes, puis 2, 4, 8 et 24 heures après la prise durant l’essai, les concentrations dans la muqueuse rectale ont été comparées. Cela a montré qu’un niveau suffisamment élevé d’emtricitabine pour protéger de l’infection par le VIH était trouvé dès la première demi-heure après la prise de Truvada. Le tenofovir atteignait, lui, des niveaux similaires de concentration au bout de 24 heures. Les biopsies ont également montré qu’une prise trop épisodique de cette double dose de médicament avant le rapport était insuffisante pour assurer, à elle seule, une protection efficace, rendant nécessaire une nouvelle double dose après le rapport sexuel.

L’étude Adapt a mis en exergue l’importance de la prise en compte de l’écart entre une première prise de PrEP et celle qui suit dans la stratégie de PrEP en intermittence. Le calcul de protection indique que si la dernière prise remonte à une semaine maximum, une nouvelle prise d’une double dose (comme dans l’essai ANRS-Ipergay) juste avant un rapport sexuel anal rend la protection suffisante, grâce notamment à l’action très rapide de l’emtricitabine. En revanche, si la dernière prise remonte à plus longtemps, les chercheurs indiquent que les doses prises aussi juste après le rapport demeurent extrêmement importantes. Selon ces derniers, le schéma de prise dans l’essai ANRS-Ipergay permettrait donc une flexibilité plus importante que la prise en continu, surtout que la première prise après le rapport peut se faire jusqu’à 24 heures après, et non plus dans les deux heures. Ce qui avait été jugé compliqué par les participants de l’étude Adapt. Le manque de données d’efficacité et celles de concentration concernant les rapports vaginaux font conseiller aux chercheurs de privilégier la prise en continu pour les femmes ou les hommes trans.