Réponse au VIH : des lois aggravent la crise

Publié par jfl-seronet le 19.09.2012
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Une commission indépendante de haut niveau, la Commission mondiale sur le VIH et le droit, rappelle dans un important rapport que "des mauvaises lois et des violations des droits de l’homme en série entravent la réponse mondiale au sida". De surcroît, elles constituent un gaspillage de ressources. Explications.
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Un dramatique coût en vies humaines, de l’argent gaspillé et des entraves multiples à la réponse mondiale au VIH/sida… le voilà, le triste bilan que tire le rapport (publié début juillet) de la Commission mondiale sur le VIH et le droit, un organisme  indépendant composé de leaders mondiaux et d’experts. Ce bilan, c’est celui des lois répressives et des violations des droits de l’homme qui sont à l’œuvre aujourd’hui dans de très nombreux pays. Pour ce rapport, la commission a choisi un angle sous forme de triptyque : "Risques, Droits et Santé". Cette commission a cherché à, comprendre comment, sur ces trois points, s’articulaient les textes de lois et quelles étaient leurs conséquences. Le diagnostic posé est sévère : il y a une "mauvaise utilisation par des gouvernements appartenant à toutes les régions du monde du potentiel que présentent les systèmes juridiques pour lutter contre le VIH". Il conclut également que des "lois fondée sur des constats et sur les droits de l’homme renforceront la réponse mondiale au VIH/sida. De telles lois existent et doivent être mises en application à grande échelle et de manière urgente".
 
Un diagnostic qui fait mal
"Dans leur déclaration politique sur le VIH/sida de 2011, les Etats membres se sont engagés à réviser les lois et les politiques qui entravent l’efficacité des réponses au VIH", indique un communiqué de cette instance. Pour poser ce diagnostic, la Commission indique qu’elle a "ancré son rapport dans des travaux de recherche de grande envergure et des témoignages de première main apportés par plus de 1 000 personnes appartenant à 140 pays" ; elle met aussi en avant ses compétences puisqu’elle dit compter "parmi ses membres d’anciens chefs d’Etat et d’éminents experts en matière de droit, de droits de l'homme et de VIH". Autrement dit, le rapport n’est pas le fruit d’un travail bâclé fait par des Charlots. D’ailleurs, note la Commission, elle a reçu l'appui du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) au nom de l’ONUSIDA. Le sérieux du groupe et de sa méthode étant établis, on peut passer aux travaux pratiques… et à la démonstration.
 
Des progrès compromis
Le rapport "démontre que dans de nombreux pays, les lois répressives et les pratiques discriminatoires compromettent les progrès dans la lutte contre le VIH. Par exemple, des lois et des coutumes légalement admises qui n'offrent pas aux femmes et aux filles une protection contre la violence, renforcent les inégalités entre hommes et femmes et accroissent la vulnérabilité de ces dernières au VIH", indiquent les travaux. Autre exemple : "Certaines lois et politiques en matière de propriété intellectuelle ne sont pas en conformité avec la législation internationale en matière de droits de l'homme et entravent l’accès à des traitements susceptibles de sauver des vies et à la prévention". Autrement dit, le maintien coûte que coûte des brevets prive de médicaments génériques des millions de personnes dont la survie en dépend pourtant. Un exemple de plus. "Les lois qui pénalisent et déshumanisent les populations les plus exposées au risque du VIH, dont notamment les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, les travailleuses et travailleurs du sexe, les personnes transgenres et les consommateurs de drogues injectables, poussent ces populations à la clandestinité, les éloigne des services essentiels de santé, et leur font courir un risque accru d’infection au VIH. Les lois qui criminalisent la transmission du VIH, l’exposition au virus ou la non-divulgation de la séropositivité au VIH découragent le dépistage et le traitement".
 
Des exemples qui frappent
Déjà clair, le rapport cite des exemples chiffrés qui montrent bien l’ampleur du problème.
"Dans plus de soixante pays, exposer une autre personne au VIH ou lui transmettre le virus constitue un crime. Plus de 600 personnes séropositives dans vingt-quatre pays, y compris aux Etats-Unis ont été reconnues coupables de tels crimes. Ces lois et pratiques découragent les populations de se faire tester au VIH et de déclarer leur statut sérologique", indique la Commission. 78 pays criminalisent toujours les relations sexuelles entre personnes consentantes de même sexe. L’Iran et le Yémen appliquent la peine de mort pour les relations sexuelles entre hommes ; La Jamaïque et la Malaisie, pour ne citer qu’eux, punissent les relations homosexuelles d’une longue peine d’emprisonnement. Ces lois rendent difficile la prévention de la transmission du VIH parmi les personnes les plus vulnérables à l’infection. Ailleurs, c’est le décalage qui pose problème. Par exemple, certains pays, comme la Chine, le Cambodge, le Myanmar, la Malaisie ou les Philippines fournissent des services de réduction des risques de manière informelle, tandis que leurs propres lois criminalisent des aspects de services de réduction des risques qui ont fait leurs preuves auprès de personnes consommatrices de drogues injectables. Un exemple encore. Plus de 100 pays pénalisent certains aspects du travail du sexe (le racolage par exemple). Dans de nombreux pays, l’environnement juridique contribue à exposer les travailleuses et travailleurs du sexe à la violence et à entraîner leur exclusion sur les plans économique et social. Il les empêche également d’avoir accès aux services essentiels de prévention et de soins contre le VIH. Et le rapport de citer aussi : les lois et coutumes qui enlèvent toute autonomie aux femmes et aux filles et qui "réduisent leur capacité à négocier les relations sexuelles sans risques" et à se protéger contre le VIH, les lois et politiques qui refusent aux jeunes l’accès à l’éducation sexuelle et à la réduction des risques, etc.
 
Un énorme gaspillage
"L’application de mauvaises lois constitue un gaspillage de ressources et sape l'efficacité des réponses au VIH", indique la Commission. Alors, qu’au "cours des trois dernières décennies, des avancées scientifiques accompagnées d'investissements se chiffrant en milliards de dollars ont donné lieu à un développement remarquable des méthodes de prévention et de traitement du VIH qui a sauvé des vies, et aidé de nombreuses personnes, familles et communautés". Le problème, c’est, selon le rapport de la Commission, que "de nombreux pays gaspillent les ressources dont ils disposent en promulguant et en appliquant des lois qui peuvent détruire l'effet de ces investissements essentiels". "Trop de pays gaspillent des ressources essentielles en appliquant des lois archaïques qui ignorent la science et qui perpétuent la stigmatisation", expliquait ainsi l’ex-président du Brésil, Fernando Henrique Cardoso, qui a présidé cette Commission. "Maintenant plus que jamais, nous avons une occasion d'épargner aux générations futures la menace du VIH. Nous ne pouvons pas permettre à l’injustice et à l’intolérance d'entraver ces progrès, surtout pas par ces temps économiquement difficiles".