Santé : la solidarité… une vieille lune ?
Mais avant de développer son argumentaire… sur la menace qui pèse, Francis Kessler commence à brosser, à grands traits, la situation actuelle en France. "Rien de plus naturel [en France] que d’aller chez le médecin puis d’acheter les médicaments prescrits chez le pharmacien et de voir ces frais de soins pour l’essentiel remboursés". Ce modèle, par ailleurs passablement fragilisé ces dernières années, est-il la norme, se demande le chercheur. Il semble que non. Ainsi Francis Kessler explique que dans son "Rapport mondial sur la sécurité sociale 2010-2011", le Bureau international du travail (BIT) note "que près d’un tiers des individus (dans le monde) n’a accès à strictement aucun service ou établissement de santé. Pour une proportion plus élevée encore, des dépenses de santé inévitables sont parfois synonymes de catastrophe financière pour le foyer".
Pour Francis Kessler, l’intérêt de cette remarque n’est évidemment pas dans le fait de dire que la situation étant pire ailleurs, on aurait tort de ne pas être content de notre sort, mais bien de montrer quelle pourrait être la destination finale des grandes manœuvres en cours et de celles des années précédentes. Pour faire simple, disons que les mécanismes de prise en charge des soins médicaux obéissent à de grands principes (la solidarité nationale par exemple), mais surtout à des impératifs économiques, des choix politiques qui, tant dans le budget des Etats que dans les budgets sociaux, ont conduit à une évolution (dégradation ?) des "principes gouvernant la prise en charge des soins". Des exemples, Francis Kessler en donne. "Le premier principe, celui des cotisations proportionnelles au salaire, a vite connu des dérogations", rappelle l’universitaire qui cite la création de la Couverture maladie universelle (CMU). Il ne conteste pas le bien fondé de la mesure, mais indique que cela a installé le principe d’une prise en charge de frais de soins sur critère de ressources.
Alors où en est-on aujourd’hui ? Y a-t-il péril en la demeure ? Il semble que oui. "Seul subsiste de l’Assurance maladie initiale, l’élément de solidarité, note Francis Kessler. C’est-à-dire la déconnexion des prestations du montant des cotisations, qui permet la redistribution entre assurés". Ce n’est un mystère pour personne, mais dès sa création, le régime de base de l’Assurance maladie ne "prend pas en charge tous les frais de soins". Question d’économie et de contrôle de la "consommation médicale". Du coup, rappelle Francis Kessler, les mutuelles sont entrées dans le jeu. Le problème, c’est que les mutuelles qui n’étaient, au début, qu’une force d’appoint à la prise en charge ont joué de plus en plus un rôle déterminant. "Du fait de désengagements successifs du régime de base [de la sécurité sociale], elles assurent une plus grande part des remboursements de frais médicaux", note Francis Kessler. Alors quel est le risque ? C’est celui d’une assurance maladie du régime général de la Sécurité sociale qui serait remplacé par une "obligation de conclure un contrat individuel ou familial d’assurance santé comportant des garanties minimales impératives à un tarif fixé par la loi". Cela existe déjà dans d’autres pays : Pays-Bas, Israël, Suisse, Etats-Unis. C’est loin de faire rêver… et c’est le ballon d’essai que teste aujourd’hui le gouvernement.
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Commentaires
super intérressant !