Soeur Amora : Interview

On est jeudi, il est 20h30, mais le Kofi est déjà plein. C'est la dernière soirée "anniversaire" des Soeurs de la Perpétuelle Indulgence avant la grande procession de samedi. Cadres photos, bouquets de fleurs, rideaux rouges... Les Soeurs ont refait la déco et les clients se bousculent autour du buffet quand Soeur Amora, forte de la monte au nez, toujours piquante jamais méchante, fait son entrée. Arrivée il y a cinq ans au couvent de Paris, Soeur Amora a ensuite succédé à son cousin, le garde-cuisse Capitaine Spartacus Nava-Génésis dit La Grosse Génisse, et elle n'a plus quitté le mouvement ; par amour des autres... et des breloques !

Un nénuphar sur l'épaule, un autre sur la cornette, des broches accrochées ça et là, une dizaine de colliers de perles autour du cou et presque autant de bracelets... : Soeur Amora ne court pas les boutiques, elle fait dans le nostalgique. "Les bijoux, ce sont des cadeaux des autres Soeurs, de mes amis. La croix m'a été offerte par un créateur," explique-t-elle. "Le tricorne ? Héritage du Capitaine Spartacus ! Idem pour le cabochon ocre que je porte au front." C'est tout plein de symbolique. Et cette longue robe noire, j'ai entendu un client t'en féliciter. Tu te distingues des autres par ta classe ? "Ce soir, j'ai ma robe de cocktail, mais on a plusieurs tenues," corrige Soeur Amora. "J'allais pas m'habiller comme à la gay pride ! Et, demain, si je vais voir les cuirettes, je mettrai une ceinture ras-la-moule, enfin... ras-le-fri-fri. Avec de grandes bottes pour montrer mon cul. Ba oui, je m'adapte !"

Ba oui, les Soeurs s'adaptent à tout... tant que le maquillage n'est pas menacé. "La soeur n'aime pas la pluie. Après, le maquillage coule," s'effraye Soeur Amora en jouant des coudes pour s'abriter sous la devanture du Kofi." Le maquillage, c'est une valeur fondamentale pour les Soeurs visiblement. "Nos valeurs ? Se maquiller, porter des talons hauts et toucher de la bite ! Et l'amour, l'écoute, l'entraide bien sûr..." A oui, il y a aussi ces valeurs là. En parlant d'amour, quelle est la Soeur qui a le plus de succès ? "Il n'y a aucune concurrence entre les Soeurs, voyons ! Le succès, ça dépend des soirs," s'offusque la Soeur moutarde-monte-au-nez ; un surnom qui commence à prendre tout son sens. Je vois pourtant que certaines sont particulièrement demandées, on met du temps avant d'être célèbre comme ça ? "Bon, c'est vrai, certaines sont moins demandées que d'autres..." avoue Soeur Amora en s'assurant que personne ne nous entend, "prenez Soeur Innocenta, on a réglé ses problèmes d'incontinence et, depuis, ça va beaucoup mieux. C'est comme Soeur Rita du Calvaire et son arthrose." Forcément, ça n'aide pas...

Bon, dans tout ça, le sida, vous en faîtes quoi ? "Le sida, on sait qu'il est en train de se propager de plus en plus. On prévient, on informe. On dit 'attention' parce que c'est pas bon, c'est pas bon du tout !" Les Soeurs font la morale alors ? "Ah non ! Les Soeurs ne font pas la morale ! Il s'est chopé le machin, il a pas fait exprès... Moi, je suis là pour écouter." Ah oui, parce que les Soeurs sont indulgentes. Mais est-ce que l'indulgence à ses limites ? "L'indulgence des Soeurs a une profondeur que l'on n'imagine même pas ! Si tu mets tous les anus des Soeurs bout à bout, tu vois la profondeur que ça donne ? C'est une indulgence qui n'a pas de fond." Ben dis-donc. Après cette belle image, qu'ajouter sur l'indulgence ? "On peut ajouter que les Soeurs ne sortent jamais seules. Si on n'est plus certaine de pouvoir écouter, on peut diriger la personne vers une autre Soeur."

Crédit photo : OJ