Travail du sexe : un rapport parlementaire préconise de sanctionner les clients

Publié par jfl-seronet le 27.09.2013
12 592 lectures
Notez l'article : 
5
 
Droit et socialprostitutionpénalisation du client

Un travail parlementaire a été présenté (17 septembre) par la députée PS Maud Olivier. Il s’agit d’un rapport (qu’on ne trouve pas sur le site de l’Assemblée Nationale pour le moment), prélude à une prochaine proposition de loi, qui devrait être présentée d’ici peu. Explications.

Le rapport propose (ce n’est pas une surprise : le gouvernement s’y est engagé à plusieurs reprises) de pénaliser le recours à la prostitution tout en abrogeant le délit de racolage public à l'encontre des travailleuses du sexe. "On inverse la charge pénale, les personnes prostituées sont des victimes, on ne doit pas les traiter comme des délinquantes", a expliqué lors d'une conférence de presse Maud Olivier, rapporteur du texte adopté à l'unanimité par la Délégation aux droits des femmes (DDF) de l'Assemblée Nationale. Le rapport propose de "dissuader le client de pérenniser les situations de violence que son comportement crée et entretient", explique le texte. "L'objectif est de faire de la pédagogie", a martelé Maud Olivier : "Il faut faire entrer dans les mentalités que ça n'est pas normal de payer pour un service sexuel".

Deuxième rapport !

Ce rapport vient deux ans après un précédent rapport qui proposait de sanctionner les clients de six mois d'emprisonnement et 3 000 euros d'amende. Ce nouveau document préconise une sanction plus progressive, explique l’AFP : avoir recours à une prostituée serait passible d'une contravention de 5e classe (punie par une amende de 1 500 euros maximum), mais la récidive constituerait un délit puni de six mois d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende. "Nous sommes attendus par les pays européens sur cette question", a expliqué le député UMP Guy Geoffroy, co-auteur du précédent rapport sur le sujet avec Danielle Bousquet, ancienne députée PS. Il avait abouti en décembre 2011 à une résolution affirmant le "caractère abolitionniste" de la France, une position alors défendue par la ministre Roselyne Bachelot.

Réduire la demande pour réduire le travail du sexe

"L'idée, c'est de réduire la prostitution en réduisant la demande" et de "gêner les réseaux de proxénétisme et de traite", a insisté Maud Olivier. "Il faut démolir l'idée d'une prostitution joyeuse, qui concerne 0,02 % des personnes prostituées", a-t-elle dit, rappelant qu'on estime entre 20 000 et 40 000 le nombre de prostitué(e)s en France, dont 80 % de femmes, à 90 % d'origine étrangère. La charge contre les supposés défenseurs d’une "prostitution joyeuse" devrait faire réagir les groupes opposés à la pénalisation des clients et plus largement à la position abolitionniste. En l’état des propositions du rapport, serait sanctionné "le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir des relations de nature sexuelles d'une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération", mais également en échange d'un logement, une "rémunération" souvent constatée par les associations d'aide aux prostituées. Le rapport propose aussi une peine complémentaire, "un stage de sensibilisation aux conditions d'exercice de la prostitution", sur le modèle des stages de sensibilisation à la sécurité routière.

Une quarantaine de recommandations

Comme l’explique l’AFP, sanctionner les clients ne fait pas l'unanimité dans la casse politique d’abord, mais aussi chez les activistes. Des militantes et militants, travailleuses et travailleurs du sexe ont d’ailleurs manifesté (17 septembre) en parallèle de la conférence de presse de Maud Olivier. Des associations (c’est le cas du STRASS, notamment) estiment que cette proposition "accentuera la précarité et la clandestinité" des travailleurs et travailleuses du sexe. L’unique point d’accord est l'abrogation du délit de racolage public, une promesse de campagne du président François Hollande. Ce délit, qui stigmatise la travailleuse du sexe, a entraîné "peu de condamnations" tout en mobilisant beaucoup d'effectifs policiers, selon le rapport. Une proposition de loi en ce sens a déjà été adoptée en mars 2013 au Sénat, à l'initiative de la sénatrice EELV Esther Benbassa. La parlementaire écologiste est, par ailleurs, opposée à la sanction du client.

Vite une loi… ?

"Nous aimerions que ce texte [la future loi] arrive à l'Assemblée le 25 novembre, journée internationale de lutte contre la violence faites aux femmes", a expliqué Catherine Coupelle, présidente de la Délégation aux droits des femmes. C’est très nettement au pas de charge pour un texte politiquement délicat… On verra ce qu’il adviendra des travaux en commission… De son côté, la députée Maud Olivier explique : "Ce rapport a été construit pendant une année pour arriver à une proposition de loi. Nous avons travaillé pour arriver à ce que cette loi passe si possible aux alentours du 25 novembre, Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Cette loi est donc programmée dans l'agenda pour être présentée dans l'Hémicycle à cette date-là. J'ajoute que cette proposition traverse tous les partis politiques qui sont à l'Assemblée nationale et au Sénat."

Le rapport prévoit d'inclure un volet "prévention de la prostitution" dans l'éducation à la sexualité dispensée dans les écoles. Il propose aussi de nombreuses mesures d'accompagnement pour celles qui veulent quitter la prostitution, notamment en améliorant leur accès à un hébergement, aux prestations sociales, à une formation et à un titre de séjour pour les femmes étrangères.