VIH/sida : les ministres biaisent… un peu trop !

Publié par jfl-seronet le 08.04.2011
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ministère de la santécommuniqué de presse
Profitant du Sidaction 2011, les ministres en charge de la Santé Xavier Bertrand et Nora Berra ont publié un communiqué de presse (1er avril) pour y réaffirmer l’engagement du gouvernement dans la lutte contre le SIDA… Un exercice de haute voltige qui, bien souvent, va un peu vite en besogne et enjolive passablement la réalité.
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Pour qui connaît bien le paysage français de la lutte contre le sida et ce qui s’y passe actuellement, la lecture du communiqué ministériel du 1er avril peut susciter des rires ou de l’agacement. Ce n’est évidemment pas les premiers propos des ministres Xavier Bertrand (ministre du Travail, de l’Emploi et de la Santé) et Nora Berra (secrétaire d’Etat à  la Santé) qui provoquent de telles réactions. Ainsi peut-on lire que tous deux "souhaitent témoigner de leur soutien aux associations et aux professionnels de santé engagés au quotidien pour la lutte contre le VIH/sida, ainsi qu’aux patients et à tous ceux qui se mobiliseront [le week-end du Sidaction] dans le cadre des actions de terrain. Ils tiennent également à réaffirmer l’engagement du Gouvernement dans la lutte contre le VIH/sida." Jusque là, ça va et on veut bien croire à leur sincérité.

Non, ce qui pose question et même problème, ce sont plutôt les arguments avancés pour tenter d’expliquer que les baisses de financement qui frappent les associations de lutte contre le sida (petites comme grandes) pourraient être compensées par des appels d’offre. Voilà ce que cela donne dans le communiqué ministériel : "Par ailleurs, les Ministres ont bien entendu les questions des associations de lutte contre le VIH-Sida, notamment celles qui reçoivent les subventions les plus importantes de l’Etat. Même si la subvention initiale diminue, ces associations peuvent être éligibles aux appels à projets lancés par le ministère de la santé en 2011. La lutte contre le sida est plus que jamais une priorité pour le Gouvernement, qui y consacrera 3,8 millions d’euros supplémentaires en 2011 dans le cadre de ces nouveaux appels à projets". Le problème, c’est que le montant des appels d’offres n’est pas toujours définitivement arrêté et que, par exemple, l’appel d’offres concernant les centres de dépistage communautaire est repoussé de plusieurs mois. Récemment lors d’un colloque à Paris sur le VIH dans les communautés migrantes, une responsable de l’Agence régionale de santé d’Ile-de-France reconnaissait qu’elle n’avait pas d’informations sur le montant des financements et que c’était effectivement un problème. Par ailleurs, les acteurs associatifs ont également compris que les crédits concernant le VIH/sida seraient également en baisse en 2012.

Un autre dossier pose problème : celui des ruptures de médicaments ARV qui sont désormais fréquentes et posent des problèmes à de nombreuses personnes (voir le dossier). Dans le communiqué ministériel, on pouvait lire : "Enfin, dans le domaine thérapeutique, le gouvernement et l’assurance maladie ont toujours permis un accès précoce et de qualité aux médicaments anti-rétroviraux. Cette démarche permet à notre pays une proportion de patients vivant avec le VIH en succès thérapeutique en constante augmentation. A cet égard, les Ministres sont particulièrement attentifs à certains problèmes d’approvisionnement en anti-rétroviraux récemment constatés, qui sont en cours de résolution. Ainsi, dès le 26 janvier 2011 une réunion sur ce sujet a été organisée par l’Afssaps [Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé] en présence des professionnels (laboratoires, LEEM [le syndicat des labos], chambre syndicale de la répartition pharmaceutique, Ordre des pharmaciens) et des associations de patients". C’est vrai pour la réunion, mais, contrairement à ce que disent les ministres, le problème n’est pas du tout en cours de résolution. On est même loin du compte. L’Afssaps qui a la main sur le dossier va à son rythme (qui n’est pas celui souhaité par les associations de patients) et peine à concilier deux logiques : celle des labos fabriquant et celle des grossistes répartiteurs. Elle peine aussi à trouver la martingale qui permet de "respecter les principes communautaires de libre circulation" autrement dit de faire du commerce tout en "limitant les difficultés d’approvisionnements". Du côté ministériel, on parle de travailler sur "l’articulation entre les dispositions du code de la santé publique et celles du code du commerce"… comme on le voit on reste encore loin d’une "résolution en cours".

Commentaires

Portrait de jean-rene

Peux-tu nous expliquer, JFL, en quoi "respecter les principes communautaires de libre circulation" peut provoquer des "difficultés d’approvisionnements" ?
Portrait de jfl-seronet

Bonjour Jean-René, Les principes communautaires de libre circulation permettent aux grossistes répartiteurs de vendre certains de leurs stocks de médicaments à l'étranger (mais pas hors de l'Union européenne). Ils le font d'autant plus facilement que les prix sont parfois plus attractifs pour eux qu'en France (ils font une meilleure marge) et que la législation, autrefois plus contraignante, est désormais assez souple. Ces reventes à l'étranger parfaitement légales constituent régulièrement des tensions sur le marché français et ce d'autant que les quotas (la quantité de médicaments fixée par un laboratoire fabricant et délivrée à un grossiste répartiteur) sont parfois trop justes. C'est un facteur (mais loin d'être le seul) qui explique les ruptures d'approvisionnement en médicaments anti-VIH, mais ces ruptures touchent bien d'autres spécialités médicales. Le souhait du gouvernement est, pour faire simple, de laisser les grossistes du médicament faire du commerce, tout en veillant à ce que cette liberté commerciale ne défavorise pas les personnes vivant en France et qui ont besoin de ces médicaments... Pour le moment, ce n'est pas le cas. C'est pour cette raison que des associations comme le TRT-5 (dont AIDES est membre) s'investissent depuis de longs mois sur ce dossier pour que les personnes traitées ne soient pas les victimes du commerce européen... Voilà, en espérant avoir répondu à ta question. Bien cordialement jfl

Portrait de jean-rene

Donc ce sont des grossistes français qui privent les malades français de médocs (au péril de la vie de ces malades car une interruption de traitement peut leur être mortelle) pour pouvoir faire un peu plus de fric en vendant ces médocs à l'étranger. A dégobiller.
Portrait de romainparis

est une vaste fumisterie, comme la libre concurrence. L'Europe se targue de respecter des principes mondialisés qui ne sont absolument pas respectés par le Monde. Les Usa et la Chine en rit, tellement ils nous trouvent cons et ils ont raison.
Portrait de sonia

Les morts et les malades sont de mauvais payeurs! Les assurances vont faire payer plus cher , l'assurance maladie se désengage.... Non! ça c'est le scénario catastrophique, alors soyons optimistes...... Tant que les grossistes feront leurs marges à l'étranger les Français recevront leurs médicaments na!