les amants séparés

Publié par ian-kemper le 12.06.2010
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La première fois que nous nous séparons, plus qu’un temps et une distance, c’est davantage une retraite en soi, chacun de son côté, qu’en naîtra-t-il, me reviendras-tu, te découvrirai-je avec le même éblouissement ?

 

Tu es loin, je te sens perdu, je suis perdu, est-ce ainsi toujours quand les amants se séparent, cette nausée comme un trou dans la chair, ce gris, ce manque de sel, cette attente qu'un vent sans force fait tourner comme une girouette molle ?

Mou mon sexe, vidé de mon désir de toi, flétri mon désir de toi hors du champ de ta présence aimante, confiante, désirante, ô mon appétit féroce d’amour et de vie qui donne tout son sens à la Vie, à l’Univers, à ma vie, à mon corps, à mon sexe dévorés avec joie, régénérés chaque fois, tel Prométhée, ta faim sans fin n’aura pas raison de la force de mon sexe.

Avant de te connaître, j’ignorais le sens de mon sexe, je veux dire de mon pénis, de cet espace de chair et de vaisseaux qui se gonflent de sang à de mystérieux ou alors de très vulgaires signaux. Point de moralité, j’ai baisé jusqu’à l’écoeurement. Et tu es venu.

Je veux que tu ne me regardes pas, je trouve insupportable le regard d’un homme, je veux être près de toi, contre toi, en toi, si près en toi que tu ne me voies pas, il y a dans mes regards entre hommes une blessure initiale et lointaine, fondamentale, dont tu es aussi responsable mon amour, toi identifié du côté des hommes, du côté de l’appétit des hommes.

Alors, pas de préliminaires, on se désape sans élégance, la nudité est urgente, un état vital et frustré, je cherche en vain un état plus dénudé encore, je n’en trouve pas, à part se dévorer. Alors je te pénètre tout de suite, autre urgence, tu le sais, tu glisses sous moi dans cette position que je découvre, qui va bien à mon pénis dur, à la pénétration, à te regarder de si près que tu ne me vois pas. Et là, je suis bien, aussi pénétré de joie et de bien-être que je te pénètre. Je bouge, un peu, à peine, de quoi garder mon érection. J’ai envie de rire, je ris, je suis bien. Parfois, je m’endors dans toi. Ça te fait rire, je te raconte qu’un amant me baisait durant la nuit, en m’ordonnant sèchement de me rendormir, ce n’était apparemment pas mon affaire, il lui arrivait même de pisser dans mon cul et, à mon urgence au matin à me lever et filer au toilettes, il me disait négligemment : « Ca m’a évité de me lever pendant la nuit. »

Mais mon amour, mon bel amour, mon tendre et merveilleux, tu sais bien que je ne viendrais pas là si je ne pouvais jouir du spectacle de ton bonheur quand je suis dans toi, je l’ai déjà raconté, je ne le dirai jamais assez, je suis bouleversé de te voir tellement confié et tellement heureux, je n’en reviens pas, c’est moi qui fais ça ? Un simple gode te ferait-il le même effet, te rendrait-il aussi fragile, vulnérable, offert ?  Je suis jaloux d’un gode, je vais supprimer de chez toi tous les objets phalliques, ne laisserai que du rond, genre assiette, je te défie de me tromper avec une assiette !

Je plaisante, je m’anime, je suis avec toi, en toi, j’oublie un instant que tu es loin, que peut-être tu ne reviendras pas, que peut-être je ne banderai plus, que je perdrai ainsi la clé du spectacle de ton bonheur, je m’en veux de douter de toi, de nous, est-ce que tous les amants séparés sont ainsi, dans le doute ?