nous y sommes

Publié par Kaaphar le 05.03.2009
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*Nous y sommes*/par Fred Vargas

Nous y voilà, nous y sommes. Depuis cinquante ans que cette tourmente menace dans les
hauts-fourneaux de l'incurie de l'humanité, nous y sommes.
Dans le mur, au bord du gouffre, comme seul l'homme sait le faire avec brio, qui ne perçoit la réalité que lorsqu'elle lui fait mal.
Telle notre bonne vieille cigale à qui nous prêtons nos qualités d'insouciance.
Nous avons chanté, dansé.
Quand je dis « nous », entendons un quart de l'humanité tandis que le reste était à la peine.
Nous avons construit la vie meilleure, nous avons jeté nos pesticides à l'eau, nos fumées dans l'air, nous avons conduit trois voitures, nous avons vidé les mines, nous avons mangé des fraises du bout monde, nous avons voyagé en tous sens, nous avons éclairé les nuits, nous avons chaussé des tennis qui clignotent quand on marche, nous avons grossi, nous avons mouillé le désert, acidifié la pluie, créé des clones, franchement on peut dire qu'on s'est bien amusés.
On a réussi des trucs carrément épatants, très difficiles, comme faire fondre la banquise,
glisser des bestioles génétiquement modifiées sous la terre, déplacer le Gulf Stream, détruire un tiers des espèces vivantes, faire péter l'atome, enfoncer des déchets radioactifs dans le sol, ni vu ni connu.
Franchement on s'est marrés.
Franchement on a bien profité.
Et on aimerait bien continuer, tant il va de soi qu'il est plus rigolo de sauter dans un avion
avec des tennis lumineuses que de biner des pommes de terre. Certes.
-
Mais nous y sommes.
A la Troisième Révolution.
Qui a ceci de très différent des deux premières (la Révolution néolithique et la Révolution
industrielle, pour mémoire) qu'on ne l'a pas choisie.

« On est obligés de la faire, la Troisième Révolution ? » demanderont quelques esprits réticents et chagrins.
Oui. On n'a pas le choix, elle a déjà commencé, elle ne nous a pas demandé notre avis. C'est la mère Nature qui l'a décidé, après nous avoir aimablement laissés jouer avec elle depuis des décennies.
La mère Nature, épuisée, souillée, exsangue, nous ferme les robinets.
De pétrole, de gaz, d'uranium, d'air, d'eau.
Son ultimatum est clair et sans pitié : Sauvez-moi, ou crevez avec moi (à l'exception des
fourmis et des araignées qui nous survivront, car très résistantes, et d'ailleurs peu portées sur la danse).
-
Sauvez-moi, ou crevez avec moi. Evidemment, dit comme ça, on comprend qu'on n'a pas le
choix, on s'exécute illico et, même, si on a le temps, on s'excuse, affolés et honteux.
D'aucuns, un brin rêveurs, tentent d'obtenir un délai, de s'amuser encore avec la croissance.
Peine perdue. Il y a du boulot, plus que l'humanité n'en eut jamais. Nettoyer le ciel, laver
l'eau, décrasser la terre, abandonner sa voiture, figer le nucléaire, ramasser les ours blancs,
éteindre en partant, veiller à la paix, contenir l'avidité, trouver des fraises à côté de chez soi, ne pas sortir la nuit pour les cueillir toutes, en laisser au voisin, relancer la marine à voile, laisser le charbon là où il est ; attention, ne nous laissons pas tenter, laissons ce charbon tranquille. Récupérer le crottin, pisser dans les champs (pour le phosphore, on n'en a plus, on a tout pris dans les mines, on s'est quand même bien marrés).
S'efforcer. Réfléchir, même.
Et, sans vouloir offenser avec un terme tombé en désuétude, "être solidaire", avec le voisin, avec l'Europe, avec le monde.
Colossal programme que celui de la Troisième Révolution.
Pas d'échappatoire, allons-y. Encore qu'il faut noter que récupérer du crottin, et tous ceux qui l'ont fait le savent, est une activité foncièrement satisfaisante. Qui n'empêche en rien de danser le soir venu, ce n'est pas incompatible. A condition que la paix soit là, à condition que nous contenions le retour de la barbarie, une autre des grandes spécialités de l'homme, sa plus aboutie peut-être.
A ce prix, nous réussirons la Troisième révolution.
A ce prix nous danserons, autrement sans doute, mais nous danserons encore.
-
-
Fred Vargas
Archéologue et écrivain
K.

Commentaires

Portrait de Seroserio

S'il est homo et célibataire, pas trop raciste sexuellemt (et je ne me vexerai pas s'il en est ni ne jugerai), alors j'aimerais bcp le fréquenter et l'aider ds ses entreprises, si je px y contribuer, à commencer par une vie sentimentale et sexuelle bien remplie de bons contenus pas seulemt superficiels. Je ne suis pas archéologue mais j'ai un peu de répondant qui l'amuserait sans doute bcp si c un homme aussi bien qu'il l'écrit.

Et s'il a encore assez de tps pr moi, entre deux fouilles (au corps !), je lui montrerai, main ds la main, ds mon île meurtrie par la cupidité et l'indolence, et si j'en trouve encore, une espèce d'araignée danseuse qui m'intriguait bcp ds ma prime jeunesse, et sans plaisanterie aucune.

Je lui demanderai alors de m'aider à préserver telle inestimable beauté et son écrin...

Tu m'as viré, toi aussi, une bonne dose de cafard, mon Kaaphar, avec tt le respect que je te dois très naturellemt. Je t'en remercie en passant. Et pardonne mon humour si tu l'as trouvé déplacé. J'ai voulu gentimt réagir, à main levée, comme d'hab, en tte bonhommie, et pr te manifester mon approbation

Et puis, je suis un mec sincère, tant pis si ça plait pas tjrs. Je m'en excuserai qd-mm à chaq fois.

Portrait de Kaaphar

salut,

euh..... tu vas être très déçu !

Fred Vargas est..... une femme !!

http://fr.wikipedia.org/wiki/Fred_Vargas

 

 

bonne journée

K.