Un Jour, Un Viol, Une Vie

Publié par Mathieu le 26.11.2014
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J'ai pas mal navigué sur le site. Pioché à droite et à gauche. Je me suis perdu de pages en pages et toujours retrouvé dans les lignes. Au moins en partie.

Ce billet n'a pas pour vocation de rentrer dans les détails d'une rencontre malheureuse un jour du douzième de mes printemps. Tout d'abord parce que même à 43 ans il est très compliqué pour moi de dire. Et ensuite parce que cette partie de l'histoire est somme toute anecdotique.

La seule vérité persistante, celle gravée à jamais dans ma chaire, tient en ce seul mot : viol.

Quatre lettres pour toute une vie. Un instant de pulsion sexuelle contre une angoisse du corps de l'autre à perpétuité.

Et je ne parle pas des conséquences classiques communes à presque toutes les victimes de violences sexuelles : sentiment de culpabilité, impression d'être sale, pulsions suicidaires ou auto-destructrices. Et l'isolement...

Je me suis perdu sur seronet donc, et j'ai toujours finit par retrouvé ma place parmi vous. Enfin, pas complétement parmi vous, mais pas totalement en dehors non plus. A vos côtés, mais un peu en retrait.

Pourtant, toutes les études montrent que les victimes de viols constituent une population à risque pour la contamination au VIH.

Mais pas de forums, peut être des témoignages mais ils m'ont échappé. Et aucune strucure adaptée à des adultes et encore moins à des hommes.

Ce blog, comme une bouteille à la mer. Pour moi, pour tous.

Commentaires

Portrait de la-vie-en-rose

Bonjour Mathieu, 

J'aimerais trouver les mots justes pour répondre à ton appel. Je me sens maladroit mais je veux essayer. 

Ton message se termine par cette expression qui le résume: la bouteille à la mer. C'est une première étape, peut-être la plus difficile pour toi mais je crois aussi peut-être la plus importante. Tu viens de trouver la force de dire des choses très intimes et encore douloureuses. Je devine que ça n'a pas été facile. J'admire ton courage et ta volonté d'avancer.

Tu parles de ton isolement, des pensées suicidaires. Je connais cela très bien. Je ne peux rester indifférent. 

Tu dis aussi ton désarroi face à ce tu attends de ce site. Je comprends très bien ce que tu peux ressentir. C'est vrai que Séronet n'est pas un site conçu pour les personnes qui ont été victimes de violences sexuelles mais je suis sûr que tu peux pourtant y trouver de l'écoute, de la compréhension, de l'empathie et de l'affection.

Tu es inscrit sur ce site depuis plus de 6 ans, tout en y restant (comme beaucoup) en retrait. Aujourd'hui tu sors de ta réserve, comme pour dire "j'existe et j'ai envie de partager ". Tu as raison car je suis certain, même si je ne te connais pas, que tu as plein de choses à échanger. 

Aies confiance, tu es sur un chemin qui te réserve de belles choses. 

Amicalement. 

Hervé 

Portrait de Nadyne Mand

Bonjour Mathieu, je ne me sens pas vraiment concernée par ton problème car je n'ai pas connu cette violence inhumaine que l'on peut faire subir. Tu prouves par ce post que ton esprit parcours un cheminement et qui va te permettre d'extérioriser ta détresse et ta colère. Tu as fais un grand pas, et je trouve ça très courageux et très digne de ta part de sortir de ton silence. Comme te l'a dit Hervé, sur ce site, même s'il n'est pas destiné à ce genre de problème, tu peux y retrouver un certain confort et un apaisement qui te fera avancer. Bon courage, continue et surtout ne baisse pas les bras. Nadyne

Portrait de dusores.c

Voilà ce que je répondais il y a peu à une personne de ce site : "ce site est comme une bouteille à la mer, mais je pense qu'il faut souffrir d'être séropo pour en saisir le sens."


Il existait une tribulle "viol" qui m'avait permis de poser quelques mots sur un passé oublié ou plutôt muré dans le silence comme si de rien n'avait jamais été.

Pour ma part, il n'y avait pas eu viol.J'ai juste été victime d'attouchement......le simple fait de devoir me décrire comme une victime me renvoie une image culpabilisante qui ne me donne pas envie d'en parler comme si je devais me justifier.


J'avais 13 ans. Je n'en ai jamais parlé à personne, je crois.

Sauf ici et dans cette fameuse tribulle.


Bises


PS : une chose est sûre, de pouvoir l'écrire ou le décrire, ça fait beaucoup de bien.

Portrait de Mumbly

que tu décides d'aborder ici cet événement terrible qui a marqué ta vie, signifie bien que le temps est venu pour toi de te libérer de toute cette culpabilité et de cette violence latente contre toi qu'éprouvent souvent les personnes qui ont subi ce traumatisme.

Tu n'es pas une victime, tu es un enfant à qui l'on a fait du mal et à qui l'on a volé sa vie d'enfant... pas facile de se reconstruire sur des ruines... La parole est essentielle et aide à se construire à nouveau, une vraie vie, sans angoisses, sans rancoeur, en essayant de profiter de la vie à venir.

Essaye de trouver un spécialiste du suivi des agressions sexuelles ( se renseigner auprès des associations de lutte contre la violence dans le couple) pour poser ce fardeau, et avoir un vrai bon interlocuteur professionnel; c'est une aide précieuse. Je te souhaite le meilleur, hugs!

Portrait de Mathieu

la-vie-en-rose wrote:

Bonjour Mathieu, 

J'aimerais trouver les mots justes pour répondre à ton appel. Je me sens maladroit mais je veux essayer. 

Ton message se termine par cette expression qui le résume: la bouteille à la mer. C'est une première étape, peut-être la plus difficile pour toi mais je crois aussi peut-être la plus importante. Tu viens de trouver la force de dire des choses très intimes et encore douloureuses. Je devine que ça n'a pas été facile. J'admire ton courage et ta volonté d'avancer.

Tu parles de ton isolement, des pensées suicidaires. Je connais cela très bien. Je ne peux rester indifférent. 

Tu dis aussi ton désarroi face à ce tu attends de ce site. Je comprends très bien ce que tu peux ressentir. C'est vrai que Séronet n'est pas un site conçu pour les personnes qui ont été victimes de violences sexuelles mais je suis sûr que tu peux pourtant y trouver de l'écoute, de la compréhension, de l'empathie et de l'affection.

Tu es inscrit sur ce site depuis plus de 6 ans, tout en y restant (comme beaucoup) en retrait. Aujourd'hui tu sors de ta réserve, comme pour dire "j'existe et j'ai envie de partager ". Tu as raison car je suis certain, même si je ne te connais pas, que tu as plein de choses à échanger. 

Aies confiance, tu es sur un chemin qui te réserve de belles choses. 

Amicalement. 

Hervé 

Bonjour Hervé,

J'ai mis un peu de temps à te répondre, mais j'avais besoin de murir tout ce que j'ai écrit, tout ce que tu as écrit. Il y a eu une succession d'événements ces dernières semaines qui m'ont conduit à écrire ce blog. Un enchaînement d'événements que j'ai du mal à attribuer au seul hasard.

J'ai toujours pensé qu'il y a des moments de l'existence où tout converge en un point et qu'il ne faut absolument pas détourner le regard sous peine de passer à côté de son chemin de vie.

Il y a eu tout d'abord ce jour en voiture. Moi que ne conduit que très rarement. J'avais emprunté une voiture pour me rendre en grande banlieue et en passant de station en station sur la bande FM, il y a cette emission de sexologie animée par Brigitte Lahaie. Le sujet : les violences sexuelles.

Pour quelle raison, je ne sais pas, je me suis garé, j'ai appelé, j'ai témoigné.

L'invitée de l'emission m'a fait remarqué, au cours de mon intervention, combien tout cela semblait à vif. Un vrai croche-patte. En un rien de temps le nez dans la boue.

Je me souviens des paroles par lesquelle j'ai conclu mon propos : " je suis un funambule ; ne pas regarder derrière, ne pas regarder sur les côtés, regarder tout droit, sinon je tombe ".

J'avais cru être le plus fort. J'avais cru... J'ai voulu croire.

Probablement que certains traumatismes sont indelebiles et laisses à jamais une marque.

Dans mon histoire, une chose a pourtant, et est toujours, comme mon assurance vie : la résilience.

Pour l'organisation du diner du 12, j'ai recu un étrange message de quelqu'un qui de toute évidence avait lui aussi été abusé. Je n'ai pas tout compris. Depuis, cette personne a publié un blog, et ce qui m'était d'abord apparu comme très décousu, c'est un peu éclairci.

C'est après avoir lu son message que j'ai décidé d'évoquer ce sujet sur seronet. J'ai pris conscience que malgré ce traumatisme, j'étais parvenu à me construire tout en me détruisant. Il existe ces deux forces contraires en moi : une qui me pousse vers le vide, et une qui me tire vers le haut. Et bon gré mal gré, ça tient en équilibre.

Oui il y a des moments de découragement. Et des moments de noirceurs profondes. C'est dans ces moments que je me sais le plus dangereux pour moi même. Non pas dans des idées suicidaires, mais par la brutalité de mes excés.

Mais il y a aussi des moments de bonheur.

Il y a bientôt deux semaines, je me suis fait tatouer dans le dos un dessin de Saint-Exupery tiré du Petit Prince. Y sont représentés le petit prince et le renard. Il y a là, inscrit dans ma chair à jamais, toutes les valeurs humanistes sans lesquelles je ne conçois aucune humanité possible.

Au plaisir de te rencontrer le 12.

Amicalement,

Mathieu

Portrait de la-vie-en-rose

Bonjour Mathieu, 

Merci pour ton message.

Et surtout merci pour ton témoignage. Il m'a aidé, moi aussi, d'une certaine façon à reconsidérer ce qui m'empêche de vivre pleinement. 

Depuis l'âge de 20 ans, je vis aussi avec un lourd secret. J'ai appris à vivre ou plutôt à survivre avec au fil des années. Il ne s'agit pas comme dans ton cas, d'un événement précis. Je n'ai qu'une idée vague et confuse de ce qui peut en être l'origine. Je vis avec ce secret depuis 36 ans et j'ai toujours autant de mal à en parler qu'au début. 

Ce n'est donc pas un hasard si ton histoire a fait écho en moi.

J'essaierai de t'en dire plus en message privé. J'ai toujours peur du jugement des autres et de leur manque de compréhension... 

Cette peur, tu as su la surmonter pour toi et aussi pour les autres, comme tu l'as si bien écrit dans la dernière phrase de ton témoignage. 

C'est ce que je retiens de ta démarche : on peut remonter la pente AVEC les autres et POUR les autres. 

Amicalement. 

Hervé