Un texte afin de connaître votre avis si je dois continuer à écrire ou me remettre à peindre...

Chemin de fer

Dans son rêve, Rémi montait dans le wagon d’un train à Central Station, la gare principale de Manhattan. Il n’avait plus d’autres endroits où aller que ce lieu inconnu où le mènerait ce train. Il remettait toute sa vie entre les rails des chemins de fer.

Depuis plusieurs mois, il essayait de trouver une excitation, un déclic, un clin d’œil, une tape sur son épaule, un désir. Il a même acheté une voiture en espérant qu’elle le conduirait à la réponse, mais elle a fini par trouver sa place tous les soirs devant sa maison, bien garée.

Il avait tout imaginé, rentrer en France, changer de pays, s’installer à Amsterdam, dont il avait un bon souvenir.

Il a même pensé que comme il était séropositif, il valait mieux en finir. Parfois quand il traversait le pont de Brooklyn, il s’imaginait donner un coup de volant brutal qui le ferait défoncer les barrières et ferait chavirer son Volvo Break dans l’East River.

Il pensait également rouler jusque dans le Maine et faire la même chose sur une route qui longe la mer. Ce qui l’arrêtait dans le Maine c’est l’idée que peut-être on ne le retrouve jamais.

Alors il se dit que s’il voulait qu’on le retrouve, il fallait peut-être tout simplement qu’il ne disparaisse pas, mais bel et bien que il existe et qu’on le trouve tous les jours quelque part.

Ce qui lui plaisait dans le train, c’est qu’il est comme sa vie, il a un début et une fin et entre les deux, il y a des gens qui vont et qui viennent, certains restent un peu plus longtemps, d’autres le quittent pour prendre un autre train …

Il s’assit sur une banquette face à un vieil homme, beau et fort, des cheveux blancs propres et bien coupés, il sentait bon, l’eau de Vétiver. Le vieil homme avait sur ses genoux un large bloc note sur lequel il écrivait à sa grande surprise en Français.

Il pensait qu’il était peut-être Canadien car il n’avait pas l’air d’un touriste, mais plutôt d’un homme qui avait toujours vécu ici même dans ce train depuis de nombreuses années. Il se laissa aller jusqu'à penser que c’était peut-être même un des premiers chauffeurs et qu’a force de conduire les gens d’une destination à une autre, il avait fini par s’installer dans un des wagons, pour écrire sur la vie de ses passagers.

Il semblait absorbé par ce qu’il écrivait, mais prit quand même le temps de le regarder s’asseoir. Rémi pouvait lire dans les yeux du vieil homme sans même qu’il les ait bougés qu’il lui souhaitait la bienvenue, en allant plus loin, il eut l’impression qu’il l’attendait.

Le train démarrait et ils quittèrent la gare, il était satisfait de la place qu’il avait trouvée, en compagnie de son voisin qui l’attendait depuis des années dans un train qui allait il ne savait trop où.

Il ressentit le besoin de se présenter et d’entamer une discussion avec le vieux et en même temps il aimait ce silence et le bruit du stylo qui courrait sur les lignes de son cahier, c’était une grosse plume qui à chaque nouveau mot semblait déchirer le papier.

Il écrivait si vite qu’on aurait pu penser qu’il était en retard, comme si ce qu’il écrivait aurait dû déjà être joué ou tout simplement lu.

Fatigué de quelques nuits blanches Rémi se laissa aller contre la vitre et s’endormit quelques minutes.....