Une bien étrange consultation (transcription)

Publié par nathan le 26.07.2010
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Médecin
Donnez-moi votre pouls. Allons donc, que l'on batte comme il faut. Ah! je vous ferai bien aller comme vous devez. Ouais! ce pouls-là fait l'impertinent; je vois bien que vous ne me connaissez pas encore. Qui est votre médecin?

Patient
Monsieur Purgon.

Médecin
Cet homme-là n'est point écrit sur mes tablettes entre les grands médecins. De quoi dit-il que vous êtes malade?

Patient
Il dit que c'est du foie, et d'autres disent que c'est de la rate.

Médecin
Ce sont tous des ignorants. C'est du poumon que vous êtes malade.

Patient
Du poumon?

Médecin
Oui. Que sentez-vous?

Patient
Je sens de temps en temps des douleurs de tête.

Médecin
Justement, le poumon.

Patient
Il me semble parfois que j'ai un voile devant les yeux.

Médecin
Le poumon.

Patient
J'ai quelquefois des maux de coeur.

Médecin
Le poumon.

Patient
Je sens parfois des lassitudes par tous les membres.

Médecin
Le poumon.

Patient
Et quelquefois il me prend des douleurs dans le ventre, comme si c'étaient des coliques.

Médecin
Le poumon. Vous avez appétit à ce que vous mangez?

Patient
Oui, monsieur.

Médecin
Le poumon. Vous aimez à boire un peu de vin.

Patient
Oui, monsieur.

Médecin
Le poumon. Il vous prend un petit sommeil après le repas, et vous êtes bien aise de dormir?

Patient
Oui, monsieur.

Médecin
Le poumon, le poumon, vous dis-je. Que vous ordonne votre médecin pour votre nourriture?

Patient
Il m'ordonne du potage.

Médecin
Ignorant!

Patient
De la volaille.

Médecin
Ignorant!

Patient
Du veau.

Médecin
Ignorant!

Patient
Des bouillons.

Médecin
Ignorant!

Patient
Des oeufs frais.

Médecin
Ignorant!

Patient
Et, le soir, de petits pruneaux pour lâcher le ventre.

Médecin
Ignorant!

Patient
Et surtout de boire mon vin fort trempé.

Médecin
Ignorantus, ignoranta, Ignorantum. Il faut boire votre vin pur, et, pour épaissir votre sang, qui est trop subtil, il faut manger de bon gros boeuf, de bon gros porc, de bon fromage de Hollande; du gruau et du riz, et des marrons et des oublies, pour coller et conglutiner. Votre médecin est une bête. Je veux vous en envoyer un de ma main; et je viendrai vous voir de temps en temps, tandis que je serai en cette ville.

Patient
Vous m'obligerez beaucoup.

Médecin
Que diantre faites-vous de ce bras-là?

Patient
Comment?

Médecin
Voilà un bras que je me ferais couper tout à l'heure, si j'étais que de vous.

Patient
Et pourquoi?

Médecin
Ne voyez-vous pas qu'il tire à soi toute la nourriture, et qu'il empêche ce côté-là de profiter?

Patient
Oui; mais j'ai besoin de mon bras.

Médecin
Vous avez là aussi un oeil droit que je me ferais crever, si j'étais à votre place.

Patient
Crever un oeil?

Médecin
Ne voyez-vous pas qu'il incommode l'autre, et lui dérobe sa nourriture? Croyez-moi, faites-vous-le crever au plus tôt: vous en verrez plus clair de l'oeil gauche.

Patient
Cela n'est pas pressé.

Médecin
Adieu. Je suis fâché de vous quitter si tôt; mais il faut que je me trouve à une grande consultation qui doit se faire pour un homme qui mourut hier.

Patient
Pour un homme qui mourut hier?

Médecin
Oui: pour aviser et voir ce qu'il aurait fallu lui faire pour le guérir. Jusqu'au revoir.

Patient
Vous savez que les malades ne reconduisent point.

Infirmière
Voilà un médecin, vraiment, qui paraît fort habile!

Patient
Oui; mais il va un peu bien vite.

Infirmière
Tous les grands médecins sont comme cela.

Patient
Me couper un bras et me crever un oeil, afin que l'autre se porte mieux! J'aime bien mieux qu'il ne se porte pas si bien. La belle opération, de me rendre borgne et manchot!

Commentaires

Portrait de joris

il me semble reconnaitre là la facon d'ecrire de molière mais comme je ne connais pas mes classiques je voudrais savoir!!!!!

Portrait de nathan

En effet, c'est du Molière. Avec un peu de perspicacité encore, tu vas trouver de quelle comédie ii s'agit.

Tout est dans le texte.

 
Portrait de nathan

une anecdote médicale que j'ai vécue. Avec mon premier infectiologue, un prof, je me plaignais constamment de migraines violentes. Pendant des mois, ce médecin m'a fait subir tout un tas d'examens... mais uniquement biologiques. Même mon médecin généraliste qui a de la bouteille ne connaissait pas tous les tests et examens biologiques sophistiqués que je subissais. Tous ces examens semblaient se préoccuper de tout sauf de mes migraines, et notamment de mes muscles, même pas de mes nerfs... En gros, mes douleurs à la tête, c'étaient mes muscles, un peu comme dans cette scène où c'est toujours "le poumon"Clin d'oeil qui est mis en cause par le médecin alors que le patient a mal partout sauf au poumon....

Et puis, j'ai changé de ville et d'infectiologue, un prof aussi. A ce nouveau, je lui ai tout de suite ressorti mon couplet sur mes migraines. Et là il m'a tout de suite dit : "les migraines, c'est la tête"

J'ai cru  qu'il se foutait de moi. En fait, non. Vite fait, bien fait, il prenait son téléphone et dans les heures qui suivaient, je subissais tout un tas d'examens ophtalmologiques ainsi qu'une IRM cérébrale. Et là, c'étaient bien la tête et les yeux qui étaient responsables des migraines.

Portrait de joris

le malade immaginaire?