Drogues : cash ou carte ?

30 Juin 2023
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Le chef de l’État abordera-t-il une fois la consommation de produits sous l’angle de la santé ? Ce n’est pas gagné ! Dans un entretien au quotidien La Provence publié dimanche 25 juin dans la soirée sur le site du journal, à la veille d'une visite présidentielle de trois jours à Marseille, Emmanuel Macron a indiqué que le paiement des amendes forfaitaires pour consommation de drogue doit pouvoir être « immédiat, par carte bancaire ou en liquide ». Le président estime qu’il est « inacceptable » qu'avec les règlements décalés par télépaiement seules 35 % de ces amendes soient effectivement réglées. Le chef de l'État a précisé avoir demandé au ministre de l'Intérieur « de préparer un décret pour la fin de l'été » et que d'ores et déjà « on a commencé à équiper les agents de 5 000 terminaux de paiement ». « Nous devons trouver les moyens d'être plus efficaces", a défendu Emmanuel Macron dont un volet du grand plan pour Marseille concerne la « lutte contre les stupéfiants ». « On ne peut pas déplorer le trafic de drogue si on a des consommateurs », a poursuivi le chef de l'État dans les colonnes du quotidien régional, indique l’AFP. « Les gens qui ont les moyens de consommer de la drogue parce qu'ils trouvent cela récréatif, il faut qu'ils comprennent qu'ils nourrissent des réseaux et qu'ils ont une complicité de fait ». « On a mis en place une amende forfaitaire pouvant aller jusqu'à 2 500 euros (l’amende forfaitaire est de 200 euros pour une amende non majorée pour une première consommation). 350 000 [amendes forfaitaires] ont été dressées en France depuis septembre 2020 », a indiqué Emmanuel Macron. Pourquoi une telle annonce ? « Ce que nous avons constaté, c'est que comme le règlement se fait par télépaiement entre 45 jours et 60 jours, nous avons un taux de recouvrement de 35 %. Et c'est en-dessous de cette moyenne à Marseille. C'est inacceptable », a estimé le chef de l’État. Expérimenté depuis le 16 juillet 2020 à Marseille, ce système d'amende forfaitaire visant les consommateurs-rices de produits avait ensuite été étendu à toute la France en septembre 2020. Dans le département des Bouches-du-Rhône, 18 600 « amendes forfaitaires délictuelles » pour usage ont été dressées pour la seule année 2022, soit une augmentation de 50 % sur 2021, première année d'application complète de ce dispositif, selon la préfecture de police des Bouches-du-Rhône. L'amende forfaitaire est louée par certains-es policiers-ères et responsables politiques comme une « réponse plus efficace au délit d'usage de stupéfiants », qui évite « d'engorger les tribunaux ». L'Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT) est plus mitigé. « La montée en puissance de cette dynamique de pénalisation financière s'est faite au détriment des mesures à dimension sanitaire individualisées, devenues rares », observe-t-il. En France, une loi de 1970 parmi les plus répressives d'Europe prévoit théoriquement de punir l'usage illicite de stupéfiants d'une peine allant jusqu'à un an de prison et 3 750 euros d'amende. L'emprisonnement pour usage reste exceptionnel, les magistrats-es privilégiant, avant la mise en place de l'amende, des « mesures alternatives aux poursuites » comme des rappels à la loi. Du côté des syndicats de police, on a réagi à l’annonce d’Emmanuel Macron. Le paiement immédiat, par carte bancaire ou en liquide, des amendes forfaitaires pour consommation de drogue afin d'améliorer leur recouvrement est une « fausse bonne idée », ont-ils expliqué. « Ce n'est pas le rôle d'un policier d'être un percepteur public. On est là pour interpeller, verbaliser. Le recouvrement, c'est le Trésor public », a réagi à l'AFP Éric Henry, délégué national d'Alliance, l'un des principaux syndicats chez les gardiens-nes de la paix. « Les consommateurs vont vite comprendre et n'auront jamais leur carte sur eux. Quant au paiement en liquide, si une partie de la somme en liquide manque, doit-on faire signer une reconnaissance de dette ? », s'interroge-t-il. « C'est une fausse bonne idée. Les policiers ont déjà bien assez de difficultés sur le terrain et de missions sans que l'on vienne leur ajouter une charge supplémentaire de cette nature », a abondé Grégory Joron, d'Unité SGP-Police FO.