"J’avais peur de redevenir détectable"

Publié par Vincent le 23.05.2011
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Dans un contexte de multiplication des ruptures d’approvisionnement en antirétroviraux, Vincent, gay francilien de 48 ans, sous traitement depuis 1994, s'inquiète de ce nouvel obstacle à la prise sereine de son traitement.

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Jusque là, je n’avais pas eu de problème. Je ne vais pas toujours dans la même pharmacie et cela m’allait bien. Je commandais le matin et j’avais mon traitement le soir. Cela me permettait d’éviter l’hôpital, où tu peux poireauter des heures. La première fois, c’était en décembre 2010, dans la pharmacie à côté de mon boulot. On me signale un problème d’approvisionnement "exceptionnel". J’ai attendu trois jours, avec une interruption de traitement de deux jours. La deuxième fois, c’était près de là où j’habite. J’aurais pu avoir quatre jours d’interruption, mais j’avais un stock pour une semaine. La troisième fois, c’était juste avant de partir en congés. Il me restait trois jours de traitement et deux jours avant, on me dit que je ne peux pas récupérer mon traitement avant six jours. Je suis donc parti en vacances sans médicaments.

Je prends  Viramune, un médicament sensible aux résistances qui peuvent être dues aux interruptions. Je me suis demandé si ma charge virale avait augmenté et si elle était redevenue détectable. Je ne mets pas toujours de préservatif avec mes partenaires occasionnels et j’avais peur de redevenir contaminant. Durant cette semaine-là, je n’ai pas voulu avoir de relation sexuelle, même si je ne mets jamais de capote avec mon mec, séropo également. Quand je demande une explication à la pharmacie, on me parle d’un problème avec les fournisseurs. Cela m’inquiète, car je ne vais chez mon médecin que deux fois par an et je n’ai pas envie d’avoir un mois d’avance de traitement chez moi. Je ne comprends pas que des ruptures d’approvisionnement soient possibles. Ça veut dire qu’il faudrait avoir deux ou trois mois de traitement d’avance chez soi. Cela oblige les personnes à anticiper à chaque fois. On doit déjà ne pas oublier de prendre ce traitement tous les jours. C’est une nouvelle stratégie qui s’ajoute à toutes celles qu’on doit déjà mettre en place. Moi, maintenant, je m’y prends dix jours à l’avance au lieu de deux. Il faudrait que les choses soient claires : soit on récupère notre traitement le jour où on en a besoin, soit on dit qu’il faut anticiper le renouvellement. J’imagine pour les personnes habitant loin des villes ou d’un hôpital, cela doit être encore plus difficile. En plus dans les hôpitaux, l’attente est très longue.

J’ai pourtant trouvé mon rythme avec mon traitement, ce qui n’est déjà pas facile. Là, je suis impuissant, je ne peux rien faire. J’arrive quand même à bien gérer cette angoisse, car je suis bien dans mon VIH, que je fréquente le milieu associatif. Mais j’ai rencontré d’autres mecs qui n’avaient pas leur molécule pour la journée et qui angoissaient énormément.

Propos recueillis par Mathieu Brancourt

Note : un observatoire du TRT-5 recense les ruptures d’ARV.