Prep et "Swiss statement" : même combat ?

Publié par Rédacteur-seronet le 05.06.2012
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SexualitéPrEPISHEID 2012

Militante du Groupe sida Genève, Deborah Glejser a participé à la récente Conférence ISHEID de Marseille (mai dernier). A cette occasion, elle a assisté à une séance inédite avec trois "duels" de spécialistes du VIH… dont un sur la Prep qui lui a laissé une curieuse "impression de déjà-vu". Prep et "Swiss statement" : même combat ? Elle raconte.

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"Conférence ISHEID (International Symposium HIV and Emerging infectious Diseases) de Marseille. Une session originale intitulée "Three hot debates in HIV care : time to vote !" consiste en trois "duels" de spécialistes sur des enjeux du VIH/sida. L'assistance a reçu un boîtier et est invitée à voter pour indiquer son adhésion à la prise de position qui l'a le plus convaincue :
- Troubles neurocognitifs liés au VIH : un vrai problème ou un problème du passé ?
- La Prep : une bonne idée ou un danger ?
- Le remède contre le VIH : un futur ou une utopie ?


La seconde thématique débattue, avec d'un côté le "pour" par Mark Wainberg (expert canadien du VIH) et de l'autre par Mark Nelson (spécialiste du VIH britannique) pour le "contre", a suscité dans l'assistance une vague de réactions qu'on qualifiera de peu mesurée. Une soudaine impression de déjà vu à la conférence internationale sur le sida de Mexico en août 2008 : Le symposium sur le "Swiss statement" (avis suisse)... Bon sang, mais c'est bien sûr ! Les similitudes sont troublantes. Les voix dans les micros fulminent tout autant. Pour mitrailler des arguments qui sont, de façon troublante, les mêmes : vous êtes irresponsables, les gens vont se sentir autorisés à faire n'importe quoi, les contaminations vont augmenter, le nombre d'IST va exploser, les gens ne seront pas adhérents au traitement, cela va coûter beaucoup d'argent pour une poignée de privilégiés, et puis les effets indésirables, et puis les résistances au traitement..

Il faut dire que Mark Nelson, le contradicteur qui s'est exprimé contre la Prep, n'avait pas ménagé ses effets à grands renforts d'images tantôt humoristiques, tantôt provocatrices, tantôt perturbantes. Le plus choquant restant la question qu'il a laissée en suspens : "Comment peut-on espérer que des gens qui ne sont pas capables de mettre un préservatif seront capables de prendre une pilule par jour ?" Ces gens, ce sont les gays. L'assistance qui s'exprime contre la Prep semble surtout remontée contre ce public-cible. Offrir un nouvel outil de prévention aux couples sérodifférents ne semble visiblement pas soulever la même indignation. Mener une recherche scientifique de plus afin d'évaluer un nouvel outil de prévention pour réduire les nouvelles infections dans le groupe le plus touché par le VIH dans le monde occidental déchaîne en revanche les passions. Jean-Michel Molina, responsable de l'étude Ipergay, tente de rétablir les faits face à des contrevérités qui ont été énoncées. Il semble abasourdi d'entendre d'autres chercheurs de renom perdre complètement toute objectivité et tout sens des proportions. Au final, plus de 72 % des personnes présentes ont voté contre la Prep.


Du déjà-vu, vraiment. Tout ceci contraste singulièrement avec les propos tenus la veille par Timothy Ray Brown : Think outside the box. [Celui qu’on appelle parfois l’homme de Berlin] s'adressait aux chercheurs, aux cliniciens, aux médecins. Chercher des réponses, tenter de nouvelles pistes d'exploration, ne pas se fermer aux innovations, c'est tout ce qu'il leur demande. Nous aussi ! 

Ce texte de Deborah Glejser a été publié le 24 mai sur Fil rouge, le blog d’infos du Groupe sida Genève qu’on vous recommande de lire régulièrement. Il est reproduit ici avec l’autorisation de l’auteur et de l’association.

Commentaires

Portrait de dboy30

Chercher des réponses, tenter de nouvelles pistes d'exploration, ne pas se fermer aux innovations ...
Portrait de Sophie-seronet

... dans chacun de tes commentaires qui me fait du bien.

Je crois que j'aime définitivement l'ouverture d'esprit.

Bises. Sophie

Ps : j'aurais pu l'écrire bien en avant du temps sur le site, mais aujourd'hui il me semble qu'il y a urgence.