Droits des étrangers malades : une circulaire contre les dérives

Publié par jfl-seronet le 18.12.2013
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Droit et socialdroit au séjour pour soinsODSE

Les alertes des associations réunies au sein de l’ODSE (Observatoire du droit à la santé des étrangers), les données et les analyses du Rapport de AIDES sur la situation des étrangers malades et en octobre dernier le courrier adressé par le Syndicat des médecins inspecteurs de santé publique (SMIPS) aux ministres de l’Intérieur et de la Santé sur les dérives procédurales dont sont victimes certains étrangers malades semblent avoir porté leurs fruits : une circulaire devrait être prochainement diffusée pour rappeler aux préfectures les droits applicables aux étrangers malades afin de prévenir les "éventuelles dérives procédurales".

C’est selon l’AMP (Agence de presse médicale, 4 décembre) ce qu’indique un courrier du ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, adressé au Syndicat des médecins inspecteurs de santé publique (SMIPS). Dans son courrier du 24 octobre, le SMIPS mentionnait que l’ODSE "a alerté l’opinion sur ce qu’il considère comme de "graves dysfonctionnements" dans l’application du droit des étrangers atteints de maladie grave". Selon l’ODES, indique le Syndicat : "de plus en plus de préfets n’hésiteraient pas à mener une "contre-enquête médicale" pour fonder une décision de reconduite, alors que le médecin de l’Agence régionale de santé [c’est lui le MIPS) a mentionné dans son avis l’absence d’un traitement approprié dans le pays d’origine et les conséquences d’une exceptionnelle gravité qui pourraient en résulter".

Ce que dénoncent les associations est-il vrai ?

Le Syndicat des médecins inspecteurs de santé publique mène alors son enquête et indique dans son courrier aux ministres : "Nous sommes malheureusement contraints de confirmer les propos de l’ODSE et nous tenons à votre disposition les éléments de constats…" Il s’agit d’arrêtés préfectoraux en Charente-Maritime, Puy-de-Dôme, Haute-Garonne, Allier). Ces arrêtés justifient la reconduite à la frontière d’étrangers pourtant gravement malades à partir d’informations récupérées par les consulats français dans des pays d’origine des demandeurs, de médecins locaux contactés par ces mêmes consulats, etc. Comme l’explique le SMIPS, "ces arrêtés posent de graves questions en termes de droit. Ni la loi, ni l’arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d’établissement et de transmission des avis, ne prévoient que les services des préfectures vérifient directement auprès des consulats les informations sur les traitements". Tout cela simplement parce que les préfectures n’ont pas à avoir connaissance de la pathologie des demandeurs. "Le simple respect du secret médical l’interdit", explique le Syndicat.

Dans son courrier, le SMIPS explique que les éléments qu’il a pu recueillir valident les informations de l’ODSE et "démontrent que certaines préfectures vont au-delà des procédures règlementaires (…) leur permettant de ne pas tenir compte des avis des médecins des ARS (agences régionales de santé)".

La réponse de l’Intérieur

L’APM a eu connaissance du courrier du 19 novembre, signé Thierry Lastate, directeur de cabinet du ministère de l'intérieur. Il indique que, "pour donner suite" aux recommandations de la mission conjointe Igas-IGA [inspection générale des affaires sociales et inspection générale de l’administration] et "corriger les éventuelles dérives procédurales", ses services et ceux du ministère chargé de la santé préparaient un projet de circulaire, qui devrait être publié "prochainement". Selon l’AMP, cette circulaire doit "notamment rappeler que les agents des services préfectoraux ne peuvent, "à aucune phase de la procédure d'instruction des demandes de titres formées par des étrangers pour raison de santé, exiger des intéressés la production de certificats médicaux, y compris les certificats médicaux, dits non circonstanciés". Autre point qui devrait être rappelé : "si l'avis du médecin de l'agence régionale de santé (ARS) est consultatif et ne lie pas l'appréciation du préfet, les préfets ne doivent pour autant faire état, dans les arrêtés de refus de délivrance ou de renouvellement de titres, d'aucune information de nature médicale pour contredire l'avis du médecin de l'ARS", mais point qui fâche : "Il estime en revanche qu'il ne peut être reproché aux services préfectoraux de s'informer sur l'offre de soins dans le pays d'origine, surtout s'il apparaît que ce pays est en mesure de prendre en charge l'ensemble des pathologies".

Justement, sur cette question de la disponibilité des soins, le courrier du SMIPS mentionne l’existence d’un tableau intitulé "demande de titre de séjour pour raison de santé : suivi de la disponibilité des soins", comportant des informations mises à jour en août 2013 et qui serait diffusé au sein des préfectures. Le SMIPS jugent partielles et partiales les informations contenues et qui émaneraient le plus souvent des consulats. "Ils sont recueillis visiblement sans aucune méthode" et "préjugent de la présence ou pas d’un traitement sans s’interroger sur la possibilité d’un traitement approprié à une situation donnée", indique le Syndicat. Selon l’APM, "le directeur de cabinet de Manuel Valls assure qu'il ne dispose pas d'éléments corroborant l'allégation selon laquelle ce tableau informel serait utilisé, mais affirme qu'"en toute hypothèse", des instructions sont données pour que de tels documents ne soient pas utilisés". Et Thierry Lastate de préciser que "la direction générale de la santé (DGS) et la direction générale des étrangers en France étudient la possibilité de mettre conjointement à la disposition des médecins des ARS et des préfets une "information fiable, actualisable et vérifiable, puisée aux bonnes sources des organisations internationales et accessible sur leurs intranets ministériels". Comme on voit, cette circulaire ne devrait pas être de trop pour restaurer la confiance entre les médecins inspecteurs des ARS et les services préfectoraux… Une façon aussi de rappeler comme l’écrit Thierry Lastate : "Cette nécessité d'un pilotage efficace et au service d'une même ambition partagée : garantir aux étrangers gravement malades la continuité des soins nécessaires à leur état de santé dès lors que le traitement approprié n'est pas disponible dans leur pays d'origine".