Le sérochoix en est-il un ?
Peur du rejet, peur de la contamination, lassitude parce qu'il faudrait, encore une fois, expliquer sa vie intime à l'autre... Les raisons invoquées pour justifier le sérochoix sont diverses, et elles invitent à s'interroger sur la nature des motivations de ceux qui le pratiquent.
L'incompréhension...
Privilégier les partenaires séropositifs quand on est soi-même séropositif ; sur le tchat du 4 mai 2010 ("Le sérochoix, ça vous concerne ?"), les arguments ne manquaient pas pour justifier cette préférence. Il y aurait, tout d’abord, une grande majorité de prudents qui craignent de contaminer leur partenaire malgré les affirmations scientifiques rassurantes, telles les déclarations du professeur suisse Bernard Hirschel qui explique que le traitement réduit considérablement le risque de transmission. Cette crainte de nuire à l’autre, même infondée, serait d’ailleurs le premier obstacle à l’épanouissement sentimental et sexuel des personnes séropositives. D'autres, qui connaissent leur statut et ne souhaitent pas se protéger pendant leurs rapports sexuels, optent pour cette liberté que permet le sérochoix. Mais, si la question est d’ordre pratique dans ces exemples (puisqu'elle permet à ceux qui l'ont choisi de se passer de préservatif), le recours au sérochoix semble regrettable dans les autres cas… lorsque le choix n’en est plus un. Pendant le tchat, en effet, les séronautes semblaient s'accorder sur un point : la représentation que le public séronégatif se fait du VIH/sida (conséquence d'un mode de vie "déviant", image morbide de la maladie...) continuerait de faire obstacle aux éventuelles relations entre partenaires sérodifférents. D’après les témoignages recueillis sur les lignes d’écoute de l’association Sida Info Service, révéler sa séropositivité à un conjoint ou à un partenaire sexuel serait d'ailleurs source de rejet dans près d’un cas sur cinq (Enquête sur les discriminations liées à l’encontre des personnes vivant avec le VIH, Sida Info Service, 2009). Parce que les séronégatifs seraient mal informés et parce que les représentations du début de l’épidémie persistent, les séropositifs victimes de discrimination dans la sphère intime demeureraient donc très nombreux. Dans un tel contexte, rester entre séropositifs permettrait donc aussi de se sentir soutenu et compris.
…mènerait au communautarisme ?
Les personnes séropositives qui refusent les relations avec un autre séropositif existent. Comme l'a confié un séronaute, au cours du tchat, une seule maladie représente un fardeau psychologique suffisant lorsque l'on n'a pas encore fait "le deuil" de sa propre séropositivité. Mais alors, ces séropositifs qui ne veulent pas des leurs, "ne seraient-ils pas un peu sérophobes ?" s'est interrogé un autre intervenant. Et, puisque notre faculté naturelle à juger nous soumet tous, malgré nous, à envisager le sérochoix, ne sommes-nous pas tous un peu discriminant envers l’autre ? Si, en théorie, les campagnes de prévention prônent la communication et incitent à dévoiler son statut sérologique pour rapprocher les séronégatifs et les séropositifs, la pratique semble parfois nous éloigner les uns des autres. Depuis le début de l’épidémie, face à une communauté séronégative discriminante, les personnes séropositives ont été forcées de s’armer pour rencontrer leurs paires. Il y a peu, on fréquentait les lieux associatifs. Avec Internet, de nombreux sites de rencontres spécialisés ont permit de faciliter la pratique du sérochoix, de le développer et de le rendre accessible à tous. Rechercher un partenaire en fonction de son statut sérologique, annoncer sa séropositivité sur son profil, écrire que l’on est prêt à négocier pour adapter les positions sexuelles et les modes de protection en fonction du statut de l’autre pour réduire les risques de transmission… Des outils dont la légitimité n'est plus à démontrer, des outils utiles et confortables, mais des outils qui accompagnent les personnes dans le processus de "séparation sérologique", et mènent les personnes à s'exclure des uns pour se rapprocher des autres, reprochent certains.
*Issue du terme anglais "serosorting" et élaborée par The Warning (www.thewarning.info), la notion de sérochoix désigne le fait de choisir ses partenaires en fonction de leur statut sérologique.
Crédit illustration : svilen001
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Commentaires
désolée
"Des outils dont la légitimité n'est plus
"Des outils dont la légitimité n'est plus à démontrer"
ah ouais ?
vous tirez ça d'où ? pffff.
le préservatif
Le sérochoix n'est pas choix pour moi,
Le sérochoix n'est pas choix pour moi, mais un comportement auquel la réalité m'a forcé. Lors d'une rencontre deux options s'offrent à moi :
1) annoncer d'emblée ma sérologie : je fais alors le constat suivant, si mon flirt est séropo il reste, s'il est séronégatif il se sauve.
2) ne pas annoncer ma sérologie au début, mais le faire quand on commence à éprouver des sentiments qui dépassent l'attirance physique, votre amoureux se sauve également, et ça fait encore plus mal...
Du coup vous finissez par rechercher des personnes séropositives en excluant les personnes dont vous n'êtes pas sûr du statut sérologique.
surprise
réponse à LILIT88
On vit dans une société où il faut être performant, sans défaut. Cela est bien illustré par la réponse de beaucoup lorsque je leur annonce ma sérologie : « désolé mais je ne peux pas gérer », ce que je traduis par « je n'ai pas envie de me prendre la tête »...
C'est ainsi. La société prend en charge le VIH etc..., les individus qui ne sont pas concernés n'ont pas envie de se prendre la tête avec ça... et encore moins dans le cadre d'un couple.
A propos du couple justement, beaucoup de mecs mettent en avant l'avantage de pouvoir enlever la capote, les relations avec capotes deviennent donc les relations éphémères, ou clandestines. Vivre avec un séropo s'est donc rendre cette chose impossible et au fond être un sous-couple.
C'est dit sans trop de nuances, j'espère néanmoins que mes propos ne blesseront personne.